Interview exclusive avec Michel Nabokov Acteur Belge.

Par Jean-Paul Eliard
le 24 / 03 / 2021

 

Bonjour Michel, d'abord je suis très heureux de faire cet interview et J'espère que vous allez bien.

 

Merci. Je vais bien malgré la tempête. Jusqu'ici , et si ça ne dure plus trop longtemps, je suis épargné par le naufrage, contrairement à une large frange de la profession.

 

 

 J'ai vu le film sur Netflix vous avez un rôle dramatique, mais qu'avez-vous pensé de votre personnage de Leonid Kadnikov dans Sentinelle ?   
 La première chose qui m'est venue à l'esprit c'est "chouette,...un méchant"!
 J'aime composer à partir de ma réalité des personnages qui me sont lointains. J'aime la transformation de look, de psychologie et d'attitude physique en me basant sur mon vécu, mes observations, mes réflexions, mes ressentis. Travailler sur la folie de mes personnages, sous ses formes diverses, me passionne.

Et la méchanceté est une folie riche et intéressante. Pour Léonid Kadnikov, je voulais construire un personnage ambiguë : urbain, cosmopolite, poli, presque aristocratique d'un côté, et de l'autre, cynique, pervers et brutal.

Au final, je ne suis pas sûr d'y être arrivé. Aujourd'hui, les films se construisent rapidement. On fait peu de prises, peu de jours de tournage. Spécialement avec les nouveaux modèles économiques que sont les plateformes de streaming.

Ça peut être frustrant si on a l'habitude d'ajuster son personnage en temps réel, au fil des prises, sous les recommandations du réalisateur. J'ai compris que pour éviter cette frustration, et profiter du rythme de tournage, la préparation en amont devait se faire différemment.

Avant je travaillais seul. Dorénavant, je ferai appel à un coach pour travailler les rôles.

 

 

Qu'avez-vous aimé quand vous avez lu le scénario?

 J'ai d'abord été charmé par la construction du personnage central, celui qu'interprète Olga Kurylenko. Dans un film d'action dont l'intérêt réside dans le rythme et l'intensité des scènes, l'utilisation d'une héroïne forte en compétences physiques et intellectuelles, mais fragile émotionnellement, m'a paru intéressant et efficace.

Quand on insert une héroïne ultra féminine dans un environnement scénaristique ultra masculin, fait de guerre, d'armes et de vengeance brutale, on prend un risque. Celui du cliché mysogyne.

Vous savez, comme sur ces calendriers cloués aux murs des ateliers de mécanique où une aguichante femme, à la cascade de boucles blondes, agrippe entre ses doigts vernis une tronçonneuse toute aussi puissante

et blinquante.

Mais, ici l'héroïne n'est pas "Laracroftisée". Elle n'est pas exploitée comme un sex symbol. Elle est une femme, dans un monde d'homme, en guerre sur deux fronts : son équilibre intérieur, miné par le trauma, et sa soif de vengeance.

 

Pouvez-vous nous dire comment vous avez obtenu le rôle de Leonid Kadnikov ?

J'ai été appelé par Sebastian Moradiellos, directeur de casting à Bruxelles, pour passer un premier casting.

Ensuite, quelques jours plus tard, au terme d'un entretien avec le réalisateur Julien Leclercq et Olga Kurylenko, j'ai été confirmé pour le personnage de Leonid Kadnikov.


Combien de temps a duré le tournage du film ?

Le tournage a duré 30 jours, dont seulement 8 pour mon rôle si je me souviens bien.


Comment était le tournage avec vos partenaires Olga Kurylenko, Marilyn Lima,Martin Swabey, Carole Weyers, Andrey Gorlenko............. et les réalisateurs Julien Leclercq ?

Olga Kurylenko s'est montrée extrêmement conviviale et sympathique dès la première rencontre. Pendant le tournage, sur le set, il est évident que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour échanger sur un mode léger. Les prises rapides sur des scènes violentes ne s'y prêtaient pas beaucoup. Par contre, son professionnalisme, son intensité émotionnelle de jeu, et son énergie physique m'ont impressionnés.

J'ai hâte de la retrouver un jour sur un autre projet! C'est une très grande professionnelle ! Mais ça, de Tom Cruise à Gary Oldman en passant par Daniel Craig,  tout le monde le savais déjà. Andrey Gorlenko qui joue mon fils, était un comédien surprenant de calme et de confiance pour quelqu'un dont c'était le premier tournage. Nous nous sommes très bien entendu.

Ensuite, je n'ai malheureusement partagé aucune scène avec Marilyn, Carole

et Martin. Mais nous nous sommes souvent croisés et ce fut toujours agréable aussi. 
Mais bien sûr, plus important encore est la rencontre et la collaboration avec le réalisateur. Comme c'était mon premier film d'action, je ne savais pas trop ni à quoi, ni à qui m'attendre. Et ce fut une très bonne surprise, car je n'avais pas encore travailler avec ce profil de réalisateurs.

J'en avais jusqu'ici identifié 4 (non exhaustifs): il y a les dictateurs. Ils vous imposent tout avec autorité.

Pour eux, votre personne n'a pas d'intérêt. Vous êtes le cintre qui porte le personnage. Leur fin justifie des moyens peu respectueux de votre personne, de votre intégrité physique ou morale. Ils soignent leur insécurité artistique dans le contrôle absolu et le défoulement autoritaire. Avec eux, les tournages n'ont rien de légers.

Ensuite, il y a les managers. Ils savent que pour tirer le meilleur de quelqu'un, il faut lui faire confiance, le rassurer souvent, le guider parfois. Avec les comédien(ne)s, ils cherchent le personnage, explorent les scènes, se laissent inspirer dans l'instant, improvisent souvent.

Les tournages sont enthousiasmants, et donnent autant d'énergie qu'ils ne vous en prennent. Ensuite, il y a les rêveurs. Ils planent au dessus des contraintes techniques ou artistiques. Ils sont dans la collaboration légère, dans la forme, ils fuient le conflit. Ils se laissent porter par les propositions. Le résultat est plus floue, plus consensuel.

Enfin, il y a les experts. Pour eux, en plus des impératifs artistiques, il existe une grille chiffrée par laquelle les envisager, un cadre quantitatif à respecter. Ils sont très efficaces. Ils communiquent peu, ils choisissent. Ils font confiance et donnent carte blanche aux comédiens.

Chacun à son poste et il en est le seul responsable. Les tournages sont bien organisés, et les planning sont tenus malgré les contraintes. C'est ici que je situe Julien Leclercq.

Il est efficace et sait s'entourer. Il sait exactement ce qu'il veut obtenir. Il est passer maître dans l'équilibre entre la qualité et la quantité. Il est carré. Un rythme de tournage soutenus, mais qui respecte les besoins des équipes, une ambiance concentrée mais chaleureuse. Dans cette ambiance maîtrisée on se sent vite à sa place.

Et comme julien est aussi quelqu'un d'agréable, de bienveillant derrière comme hors caméra, ce fut une belle rencontre avec un réalisateur chevronné et spécialisé dans un nouveau genre pour moi: l'action.


Quand et pourquoi avez vous décidé d'être acteur, c'est un film, un acteur......... ?

Aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours voulu être agriculteur et comédien. J'ai donc tout mis en œuvre pour réaliser les deux. 
Bien sûr, j'ai des acteurs et actrices favoris, là où il me serait plus difficile de citer des agriculteurs et agricultrices favorites... Néanmoins je ne peux pas dire que l'un d'eux ai déclenché chez moi l'envie du métier.
Je crois que c'est une forme d'expression instinctive qui répond à un besoin psychologique profond, consécutif à un vécu personnel plus qu'à l'admiration pour des modèles.


Vous êtes issu d’une famille nombreuse de la noblesse russe du coté paternel et belge du coté maternel. Avez-vous eux l'occasion de retourner en Russie pour rencontrer de la famille et parlez-vous le Russe ?

Malheureusement, je n'ai plus de famille directe en Russie, en dehors de quelques cousins et cousines qui y sont retournés depuis la Belgique. 
Pour ma part, j'ai travaillé en Russie, comme expert agricole, dans le cadre d'un projet de restructuration d'anciens kholkhozes (3 exploitations agricoles sur 7000 ha de terres).

J'en ai gardé une pratique basique du russe. 
Dans SENTINELLE, j'ai cependant travaillé avec une coach linguistique, Olya Tsoraeva, pour tailler le bon accent de mon personnage, en russe comme en français avec une légère pointe cosmopolite.


Votre famille est-elle venu en Belgique pour fuir la Révolution russe de 1917 ?

Oui c'est exact. Ma grand mère avait 8 ans et mon grand père 15 ans quand ils ont dû fuir, avec leur parents respectifs, les persécutions bolcheviques.

Ils ont entamé un long périple qui, des années plus tard, les a conduits à Bruxelles. Au final, la diaspora familiale s'est retrouvée éclatée entre Paris,

New York, Berlin et Bruxelles.


Quel est votre prochain défi. Ce qui n'est pas toujours évident en ce moment avec le Covid-19 ?

Pendant cette période de creux cinéma, je travaille sur l'écriture d'un spectacle (seul en scène), dont le thème est le réel, et son traitement dans nos sociétés virtuelles et post-factuelles. Il sera mis en scène par Papy (Alain Degois) et Monsieur Fraize (Marc Fraize).
Ensuite, en comédie comme en action, je sais que des projets de longs attendent le feu vert sanitaire pour démarrer... Je suis prêt, enfin il faudra d'abord passer chez le coiffeur avant.

 

Merci beaucoup pour votre interview  Michel et je vous souhaite le meilleur.

 

Plus d'informations au sujet de Michel sur IMDb, sur Wikipédia,

sur Instagram et sur son blog.

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